Après un premier album éponyme (2005) à la qualité inversement proportionnelle à son manque de reconnaissance, Limousine nous rejoue la scène du groupe inconnu mais au combien estimable avec un album sobrement intitulé II. Emmené par Laurent Bardainne (Poni Hoax), David Aknin (Jamaica, bitchee bitchee Ya Ya Ya), Maxime Delpierre (Viva & the Diva, Paris) et Frédéric Soulard (Maestro), le collectif parisien réussit encore une fois à nous enfermer dans une bulle cinématique et contemplative. Sorte de BO d’un road movie solitaire et nocturne, la meilleure façon d’écouter II est de rouler sur les autoroutes tard dans une nuit pleine d’errance. Sorte d’Ascenseur pour l’échafaud des années 2000, II est à la fois visionnaire et imaginaire. Les neuf morceaux ont la sensualité du cool jazz et l’expérimentation du post-rock et de l’électronique. Loin des démonstrations d’artistes virtuoses qu’ils sont, les membres de Limousine préfèrent nous servir la bande son d’un film fictionnel. En matière de musique de film, ils s’y connaissent, puisque The Reindeer a été choisi comme bande annonce du nouveau film de Bruno Dumont (Hors Satan), présenté lors du Festival de Cannes dans la sélection "Un Certain Regard". On pourrait s’amuser à tenter d’attribuer un grand film à chaque morceau, mais celui qui ne pourra exister que par lui-même est le frissonnant Cosmos, ou la rencontre improbable entre Coltrane et Air. Avec II, Limousine prend la route vers une musique de plus en plus luxueuse.
L’Italie n’a jamais été une terre propice à la musique et Mauro Remiddi, alias Porcelain Raft, l’a bien compris. C’est pourquoi, au fil des années, il s’est transformé en musicien globe-trotter allant de l’Italie à l'Angleterre, de la Coréee du Nord aux Etats-Unis. De ses multiples expériences, Mauro Remiddi a accumulé des tonnes de sonorités qui sont autant de clé pour comprendre sa musique. Enregistré dans une cave de Brooklyn, Strange Weekendaurait pu rester caché dans la chambre de son auteur, mais cette première balise d’une carrière prometteuse a réussi à trouver l’écho qu’elle mérite grâce à Secretly Canadian. Ici l’intime et la sensibilité s’ouvrent au monde. Le lyrisme de chambre rêve de grands espaces. L’art avec lequel Porcelain Raft stratifie les boucles synthétiques avec quelques accords bien choisis, démontre une certaine virtuosité de l’italien pour cette science de la construction pop. Sans maniérisme exacerbé mais avec une sensibilité extrême, Porcelain Raft montre son habileté à créer des instantanés de velours perdus quelque part entre un M83 d’avant les stades (dont il va faire la première partie) et l’androgynie d’un Bowie. Avec Strange Weekend, Porcelain Raft signe un premier album d’une maturité étonnante comme s’il avait vécu plusieurs vies avant de commencer celle-ci. Site
Autant le dire tout de suite, Fenster est typiquement le groupe dont il est difficile de dire du mal. Dès la première écoute, la musique est attachante. Et pourtant ici, le propos n’est pas à la rigolade. Car même si les comptines sont cajoleuses et éthérées, on est plutôt ici dans le registre d’une noirceur et une mélancolie presque gothique. On passe très vite d’une pop enjouée (Oh Canyon) à des ballades cafardeuses (The Hunter, Gravediggers). Leur pop insidieuse qu’ils qualifient eux-mêmes de « de-constructed pop music » trouve son inspiration dans les atmosphères fantomatiques, les cimetières et l’imaginaire religieux. Leur musique, sorte d’electro accoustique, est construite avec des accords mélodiques et une rythmique minimale à laquelle s’ajoutent des bruitages de la vie quotidienne (claquements de portes, bruits urbains) accentuant par la même occasion le côté spectral de leur musique. Formé en 2010 par la new-yorkaise exilée à Berlin JJ Weihl, le berlinois Jonathan Jarzyna, et le percussionniste Lukas, Fenster réussit avec leur premier album Bones à nous alpaguer avec seulement très peu de choses. De ses moyens limités, Bones en tire une incitation à l’imagination fertile partagée avec une curiosité craintive. Comme dans toutes bonnes histoires de fantômes, l’auditeur veut connaître la fin des histoires racontées dans Bones même si celles-ci lui provoquent quelques frissons. Intriguant et envoûtant à la fois.
Le milieu de la musique est encore, fort heureusement, peuplé de passionnés pensant avant tout à la qualité de la musique plutôt qu’à la rentabilité. S’il y a bien un label qui n’a toujours pas cédé aux sirènes du mercantilisme et qui allie exigence musicale et esthétisme soigné, c’est bien Atelier Ciseaux. Mené par Rémi, Atelier Ciseaux abonde le landerneau musical de sorties plus belles les unes que les autres (Split Ela Orleans/Dirty Beaches, Oupa, François Virot, Jeans Wilder...). Il suffit d’écouter la dernière réalisation déjà sold out, de Cough Cool / Johnny Hawaii pour s’en rendre compte. A la tête d’un label à taille humaine, Rémi n’hésite pas à dire lorsqu’il aime quelque chose. C’est à la suite de la réception d’un mail de félicitations pour un article lu sur GCTMT, que l’envie d’une interview et d’une Mixtape exclusive vit le jour.
1/ Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu présenter Atelier Ciseaux ? Comment le label est-il né ? Qui se cache derrière ? Quel est ton rôle ?
Le label "existe" depuis "toujours" ! Enfin, dans ma tête ! Pas sous ce nom, pas derrière ce logo, ni avec ces groupes bien sûr mais depuis -ce- "toujours", j'ai ressenti cette envie, ce besoin de créer un label. Adolescent, j'en rêvais déjà. A 25 ans, j'y pensais encore (et encore). Depuis une dizaine d'années, une bonne partie de mon temps a été consacré à la musique. J'ai commencé par écrire pour des webzines/magazines puis j'ai organisé quelques tournées et concerts. J'ai également travaillé pour des agences de communication/ promotion. Ça a été comme un long brainstorming - des prises de notes sur un carnet fantôme -, qui m'a permis de savoir plus précisément ce que je voulais faire et surtout ce que je ne voulais -absolument- pas faire. Et puis le disque de François Virot "Yes or no" a changé ma vie, nos vies. Aimer un disque si fort et ne pas pouvoir imaginer que quelqu'un d'autre que toi puisse le sortir (la version cd a été réalisé par Clapping Music). C'était un (le?) signe, crois-moi ! On a commencé à deux avec Marine et cette folle envie de sortir ce disque de François. C'était courant 2008 puis j'ai ensuite continué seul pendant quelques mois avant que Philippe ne rejoigne le label. On est -si mes calculs sont bons ?- deux pour le moment mais on va accueillir une troisième personne sous peu. Les rôles sont finalement interchangeables à volonté, à l'infini. En trois ans, on a donc sorti une douzaine de vinyles, quelques cassettes et un dvd.
2/ Le nom d’Atelier Ciseaux fait référence à une sorte d’artisanat ? Quel est l’esthétique du label ?
C'est une remarque qui revient souvent, très souvent, trop souvent (?). Au tout début d'Atelier Ciseaux, je m'occupais en parallèle d'un autre "label" Atthletic Duddes. De la noise pour cassettes recyclées. Enregistrer les cassettes une par une, les peindre, découper les pochettes... là on pouvait parler d'artisanat. Avec Atelier Ciseaux, on a gardé quelques-unes de ces habitudes mais ce n'est pas systématique. Certaines sorties sont fabriquées à la maison, d'autres sont sérigraphiées ou encore manufacturées de coin en coin par des machines perdues en république tchèque. Le but n'est pas de tomber dans l'ennui et de répéter des formules les yeux fermés mais de trouver, en fonction des projets, une cohérence entre la musique et le support. La ligne éditoriale est quasi inconsciente ou presque. Bien entendu, on tient à garder une certaine continuité entre les projets mais jusqu'ici on a quand même sorti des choses assez variées : la folk bancale/ baskets à scratches de François Virot, le suicide rock'ab de Dirty Beaches, la pop rugueuse de U.S. Girls, le bruit blanc de CVLTS, le piano lo-fi des ballades de Oupa, le shoegaze-slacker de Young Prisms, l'electronica colorée de Lucky Dragons, la pop-bedroom de Best Coast et Jeans Wilder, les vidéos tête-de-mort d'Andy Roche... On sort ce qui nous touche, nous hante. Pour les formats, c'est la même chanson ! Vinyles, cassettes et dvd. L'important c'est de proposer quelque chose de soigné.
3/ Des labels t’ont-ils influencé aux débuts ?
Comme ce projet "existe" en quelque sorte depuis longtemps, il s'est nourri de beaucoup d'images, d'icônes. Et pas uniquement dans la musique. Des labels comme Sub pop, Dischord... ont dû me souffler cette idée mais dans les faits -d'action- ce sont des rencontres, des échanges et non des logos sur une pochette qui m'ont donné l'impulsion pour en faire quelque chose de réel. Des influences plutôt piochées dans une scène punk-diy que dans un quelconque indépendantisme rock. Et quand je parle de scène DIY, je fais référence à des personnes pour qui le DIY ne se résume pas uniquement à utiliser de la colle et des ciseaux.
4/ Comment se passe le choix des artistes avec lesquels tu décides de travailler ? On a l'impression qu’Atelier Ciseaux est sans cesse à la recherche d’une curiosité underground.
Quand l'écoute d'un morceau vire à l'obsession et que tes proches commencent à te détester, quand -comme je le disais- tu n'imagines personne d'autre que toi sortir tel ou tel disque... c'est sans doute une banalité absolue mais on écoute nos battements de cœur. Évidemment, il est important que les groupes avec qui l'on collabore nous comprennent et réciproquement. Certains labels appliquent cette "politique" de la nouveauté permanente en ne sortant que des groupes à la discographie encore vierge. Nous, non ! Que ce soit leur premier ou centième disque, l'essentiel est de garder un rythme cardiaque bloqué à 120 bpm pour chaque release. Cette couleur/ orientation correspond à ce que l'on écoute, à ce qui nous plaît, à la vision que l'on a de la "gestion" du label. Comme une continuité de ce que nous sommes. Si le label n'existait pas, j'écouterais sans doute les mêmes choses. C'est toujours super chouette de découvrir un nouveau groupe, de le partager mais si demain Dinosaur Jr m'écrivait pour me proposer de faire un 45 tours, j'accepterais hystériquement dans la seconde qui suit. On ne s'impose aucune mission ou ambition pyramidale. Atelier Ciseaux n'aura jamais la vocation de devenir un travail. Le seul objectif est de continuer avec cette même envie, de faire ce qui nous plaît. Et c'est ça qui compte.
5/ Quels sont les relations que tu entretiens avec eux ? C'est purement professionnel ou ça va plus loin ?
On a toujours eu cette "chance" d'avoir de bons rapports avec les groupes. Avec la distance, les kilomètres de routes, la plupart des projets se sont concrétisés/développés par courriels. J'ai eu l'opportunité d'en rencontrer quelques-uns et de me créer de chouettes souvenirs. Prendre la route entre Montréal et Philadelphie pour voir jouer U.S. GIRLS, affronter une tempête de neige pour rencontrer les Young Prisms, organiser un concert en appartement pour Lucky Dragons, découvrir Vancouver grâce à Nikki de Terror Bird... Avec François Virot ça a été quelque peu différent puisque je me suis également occupé d'organiser ses tournées pendant plus d'un an. Avec certains on s'écrit régulièrement, avec d'autres c'est beaucoup plus rare. Chacun a sa vie, son quotidien. On ne va pas te cacher que c'est toujours agréable de dépasser ce stade du "on fait juste un disque" (même si on est déjà à des années lumières d'un quelconque rapport professionnel) mais le but premier est de sortir quelque chose dont tout le monde est satisfait. Après si ça s'arrête là, c'est dommage. Mais si quelque chose se passe, c'est wow !
6/ Ta première sortie fut l’album Yes Or No de François Virot, depuis, très peu de français sont sur ton label. Ton regard est définitivement tourné vers l’Amérique du Nord ?
En effet ! On devrait peut-être même envisager de faire notre demande de green card ! Haha ! Encore une fois, ces choix se font uniquement en fonction de ce qui nous plaît et non en fonction d'une zone géographique quelconque ou autre. Ça aurait pu être des roumains, des colombiens... Sans doute que la musique que l'on écoute ces derniers temps est plus populaire, pratiquée en Amérique du nord. Et encore... Même si je tenais -un peu, beaucoup, passionnément, à la folie- à avoir un nom en français, à aucun moment je n'ai voulu faire un label français pour groupes français. Ou un label français pour public français. Juste un label. On vient de sortir une cassette avec le surfeur marseillais de Johnny Hawaii. On a aussi été en contact avec d'autres groupes français mais rien ne s'est concrétisé.
7/ Parmi tes autres relations, tu as pris l’habitude de collaborer avec d’autres labels pour sortir des nouveaux projets (La Station Radar, Hands In The Dark…). Tu peux nous en toucher quelques mots ?
Avec LSR, notre histoire a débuté en 2010 après un échange de mails pour troquer quelques disques. Fleur et Jérôme avaient ce projet de sortir un 45 tours avec Terror Bird et on leur a proposé d'y participer. Ce n'est pas évident de collaborer avec des "inconnus" parce que chacun à ses rituels, ses bonnes et mauvaises habitudes. Mais tout s'est très bien passé, on s'est rencontrés à plusieurs reprises et c'est par la suite qu'on a décidé de travailler sur un catalogue commun pour 2011. C'est agréable de partager ça avec quelqu'un, de suivre une direction similaire. Collaborer te permet également de prendre du recul sur ce que tu fais, de te remettre en question. Une belle rencontre. Avec HITD, c'est tout récent. Morgan nous avait contacté à leurs débuts pour nous demander quelques conseils. On est restés en contact et il nous a proposé de co-réaliser avec eux le splicassette Cough Cool/ Johnny Hawaii (sorti il y a quelques semaines). A notre tour on a proposé à LSR de nous rejoindre. Une triple entente en quelque sorte. On est tous très contents de cette sortie. D'ailleurs je vous invite fortement à découvrir les catalogues de ces deux labels.
8/ A l’ère du tout numérique, la cassette audio et le vinyle sont les deux principaux supports que tu privilégie, pourquoi ? Et pourquoi réaliser des sorties en si peu d’exemplaires ? Pratiquement toutes les productions d’ Atelier Ciseaux sont sold-out.
Par affection ! On aime ces supports et les possibilités qu'ils offrent. On n'a pas non plus signé de pacte "croix de bois, croix de fer, si on sort autre chose que du vinyle ou de la cassette, on ira en enfer". Il y a deux ans, on a sorti un dvd-r, "Radical Witness Of Iowa", qui regroupe trois vidéos têtes-de-mort d'Andy Roche. Si l'envie nous prend de faire un cd, on le fera. Ces petits tirages permettent justement de penser à des artworks plus spéciaux, voir uniques. Par exemple pour CVLTS, on a acheté 30 vieilles cartes postales/ icônes religieuses et chaque cassette a été peinte à la main. On ne cherche absolument pas à créer une frustration. C'est vrai que ces derniers temps on assiste à cette frénétique bousculade pour l'objet limité. Ce besoin, cette fierté de posséder un disque ou une cassette bientôt inaccessible. Et forcément cette tendance est favorable aux labels qui produisent de petites quantités. Faut pas non plus oublier cette équation élémentaire -et inévitable- qui prend en compte ton budget et « l'accessibilité » d’un disque. Surtout pour certaines musiques.
9/ En tant que patron de label, quel est ton regard sur les nouveaux modes de consommation de la musique ? Et aussi que doit être (ou ne pas être) un label aujourd’hui selon toi?
Atelier Ciseaux est né dans cette ère du "add to friends/ blogs/ mediafire" donc on n'a pas vraiment vécu cette "crise". J'imagine que c'est différent pour ceux qui étaient là avant et qui ont subi ce changement. Pour nous petite structure, la donne n'est pas exactement la même puisqu'on s'adresse principalement à un public qui est encore attaché à l'objet. Mais tout va vite, très vite, trop vite. On reproche parfois aux labels/ groupes d'enchaîner furieusement les sorties mais il faut aussi voir à quelle allure les informations sont relayées, consommées. Le matin on te dit que tel ou tel groupe est génial, le soir tu l'as déjà oublié et remplacé par un autre. Je me demande ce que l'on va bien pouvoir retenir de cette dernière décennie. Comme j'aime le répéter, on s'invente une future perte de mémoire collective. Que doit être un label ? J'en sais rien du tout. Il n'y a pas de règles, tant mieux non ? L'important pour moi c'est de le faire avec sincérité et conviction. Le reste, ça appartient à chacun. J'ai toujours eu une certaine admiration pour les gens qui mènent/ menaient des projets de ce type (dans la musique ou dans n'importe quel autre domaine) parce que cela demande beaucoup d'investissement. T'es quasi certain que lorsque tu dis que tu as ton propre label, on va te répondre que c'est "super cool, blabla". Bien sur que ça l'est. Mais ce n'est pas uniquement "super cool". Derrière, tout n'est pas aussi simple. Ça te prend du temps, de la rigueur, tu dois le combiner avec "ton vrai travail". Parfois tu dors mal, t'es stressé, tu fumes beaucoup trop. On en parle pas souvent -ouvertement- mais t'as aussi droit à ton lot de déceptions, de trucs ratés. L'année dernière on a eu plusieurs projets qui sont tombés à l'eau. Parfois les groupes splittent et à part te sentir désolé tu ne peux pas y faire grand chose. Parfois t'as le sentiment d'être vraiment pris pour un con. Ce n'est pas si grave de tomber parce que tu sais que tu ne t'arrêteras pour rien au monde. Rien, rien, rien. Alors, oui c'est chouette de voir de voir des gens prêts à s'investir par passion, conviction. Des gens prêts à gravir des montagnes renversées, à imaginer des plans impossibles. A essayer, tout simplement.
10/ Quels sont les projets d’Atelier Ciseaux pour 2012 ?
Manger mieux peut-être ! Aller voter.. On a commencé l'année en sortant le split cassette entre Cough Cool et Johnny Hawaii. On a plusieurs projets en cours, certains datent de trois ans ! Trois ans ! Ha ha, je n'y croyais même plus. Pour le moment on préfère garder ça pour nous -j'espère que tu ne m'en voudras pas- et l'annoncer en temps voulu. En tout cas, ça devrait être une chouette année. On croise les doigts !
La légende veut qu’après le premier concert des Sex Pistols à Manchester, toutes les personnes présentes dans la salle formèrent un groupe dès le lendemain. Combien ont fait de même après un concert à rallonge des Guided By Voices ? A l’instar des Pixies, Pavement, Sebadoh et Dinosaur Jr, Guided By Voices fait partie de cette génération de groupes américains des années 90 les plus influents même après leur séparation en 2004. Reformé en 2010 pour les 21 ans du label Matador, Guided By Voices n’avait pas rejoué avec son line up originel depuis Under The Bushes, Under The Stars (1996). Dans la foulée, le groupe de Dayton (Ohio) annonce deux albums pour 2012 Let’s Go Eat The Factory et Class Clown Spots A UFO. Il faut bien admettre que depuis la Sainte Trilogie Bee Thousand (1994), Alien Lanes (1995) et Under The Bushes, Under The Stars (1996), on écoutait d’une oreille éloignée les excentricités sonores et les pop songs bien trop propres de Robert Pollard alors seul maître à bord de Guided By Voices. Avec Let’s Go Eat A Factory, GBV renoue avec les productions lo-fi. Enregistrés dans les home-studios des membres du groupe, les 21 morceaux (dont seulement deux d’entre eux dépassent les 3 minutes) sont autant de classiques power pop envoyés comme une volée de bois vert à toute la jeune garde actuelle. Les guitares sont rêches sur Laundry & Lasers, The Head, et Spiderfighter. The Unsinkable Fats Domino sonne comme du Who des débuts alors que Either Nelson et Cyclone Utilities (Remember Your Birthday) puisent leurs inspirations dans le psychédélisme mid 60’s. Go Rolling Home et The Room Taking Shape, écrit par Robert Pollard, renvoie au meilleur de Sentridoh. Let’s Go Eat A Factory réussit le tour de force de renouer avec ses traditions tout en étant profondément moderne et varié. Guided By Voices retrouve sa jeunesse fougueuse. A ceux qui chantaient "Don't take this too seriously. You just have to hum it all day long" sur Under The Bushes, Under The Stars, on leur dit qu’en 2012, ils sont des références qu’ils le veuillent ou non. Un très grand retour.
Certaines rencontres peuvent changer le cours des choses. C’est ce que doit se dire aujourd’hui Pierre Dubost. Car s’il n’avait pas rencontré son voisin de palier, Philippe Almosnino, alias Phil Wampas, peut-être qu’il aurait continué son job de consultant en développement de projets informatiques à la Défense et mènerait une vie des plus banales. Mais voilà, après avoir quitté son métier, tout est allé très vite. Pierre Dubost est engagé comme bassiste pour Tarmac et Keren Ann. Fort de ses expériences avec la variété française qui l’ont emmené jusqu’aux Etats-Unis, Pierre décide de monter Sonic Satellite avec de vieilles connaissances : Jean-Baptiste Ayoub (Sugarbeans, Deneuve), Guillaume Fresneau (Dalhia) et Jérôme. Arcade Fire, Interpol, The Smiths et Joy Division font partie des bagages du groupe mais ce sont d’autres noms qui viennent à l’esprit lorsque l’on écoute les mélodies référencées. Les Ramones courtisent la pop sur I Wish. La guitare façon Heroes sur Show Me The Way rappelle David Bowie. Jesus and Mary Chain n’est pas très loin sur le shoegazé Family. Et puisque l’on parle de famille, il faudra parler des parents New Order sur Blue. Mais Sonic Satellite déploie toute son originalité lorsqu’il joue son propre rôle sur A New Joy. Une pop classique et intemporelle, assise sur des fondements solides et surtout assimilés, ne partageant pas l’esbroufe du m’as-tu vu. Sonic Satellite joue une pop franche sans intention de leurrer son monde. C’est ce qui nous a donné envie de poser quelques questions à Pierre Dubost, histoire de faire un peu plus connaissance.
INTERVIEW
- Pouvez-vous présenter Sonic Satellite ? Sonic Satellite est à l’origine le projet pop rock de Pierre, chanteur bassiste, et est devenu un groupe avec JB, batteur, et Guillaume, guitariste. Jérôme, que l’on a rencontré récemment, assure les guitares lead.
- Pouvez-vous expliquer le choix du nom du groupe Sonic Satellite ? C’est un choix « musical », comprenez ça sonne bien !
- Lorsque l’on parle de Sonic Satellite, des noms comme The Smiths, The Strokes, Interpol, The national... sont évoqués. Ca ne fait pas un peu peur un name droping comme celui-ci ? Peur ? C’est plutôt flatteur ! Ce sont des groupes que l’on aime et que l’on écoute souvent, ça doit donc se ressentir dans notre musique. Mais le mieux est de se faire une idée en écoutant l’EP, je pense que les influences sont plus larges que ça.
- Qu’est ce qui inspire Sonic Satellite et quels sont les thèmes privilégiés dans les chansons ? Ce qui m’inspire c’est le quotidien, ma vie sociale et professionnelle, les potes avec qui je fais de la musique, les rencontres, les lectures, les films… Je n’ai pas de thèmes privilégiés, j’écris instinctivement sur les relations - amoureuses en général - car c’est ce qui me préoccupe le plus.
- Est-ce que le fait d’avoir été proche de groupe comme Tarmac et de Keren Ann a apporté quelque chose à la musique de Sonic Satellite ? Gaétan Roussel et Keren Ann sont des auteurs-compositeurs de grande classe. Je trouve qu’ils ont tous les deux, chacun dans leur registre, un don incroyable. Je les ai accompagnés en tant que bassiste. Avoir joué leurs chansons sur de longue période m’a permis d’assimiler une certaine façon d’écrire une chanson. Et c’est, entre autre avec ce bagage que j’aborde la musique de Sonic Satellite.
- Pourquoi débuter avec un EP autoproduit ? Je trouve le format intéressant : on a tendance à repasser le disque car c’est un format court. C’est un EP « concept » dans le sens où il raconte une histoire qui se déroule sur 5 titres. Si on a l’a autoproduit, c’est avant tout pour exister musicalement et se faire plaisir.
- Quelles sont les ambitions de Sonic Satellite et quelle est la prochaine étape après cet EP ? La prochaine étape, c’est l’enregistrement de nouveaux titres. On a une dizaine de chansons maquettées. Les ambitions sont simples : se produire en live, faire la promo du groupe (en ce moment on travaille avec Babylone Promotion), faire un clip, et trouver un tourneur.
A la simple évocation des trois mots « If The Kids », tous les punks dignes de ce nom doivent sans hésiter se mettre à chanter « If the kids are united then we’ll never devided ». De ces paroles du groupe Sham 69, If The Kids en a tiré un nom mais aussi toute une philosophie et une énergie punk débordante. Projet mené par les Parisiens Brice Montessuit et Mademoiselle Marine, If The Kids est un des groupes français le plus buzzé outre-Atlantique et outre-manche. Présenté par The Guardian comme le groupe qui ferait passer The Ting Tings pour du Leonard Cohen, on ose à peine imaginer ce que donne If The Kids sur leur premier EP. Life Is Now, leur premier single repris par une célèbre marque au crocodile, est en passe de devenir un hymne pour toute une jeunesse hédoniste. Les guitares rageuses, le groove tonitruant et les gros beat electro vont enflammer les dancefloors les plus rigides. Si vous ne dansez pas sur Life Is Now, c’est que vous êtes mort. If The Kids est en train de devenir pour une génération née dans les années 90, le groupe sur lequel il faut glaudiquer, et un plaisir coupable pour les plus anciens.
Lorsqu’il ne tient pas la basse au sein des Your Twenties fondé par son demi-frère et ex-Metronomy Gabriel Stebbing, Michael Lovett fait des remixes pour Black Devil Disco Club mais se lance surtout dans son projet NZCA/LINES. Annoncé comme espoir 2012 dans ce même blog sur la foi d’un seul single, NZCA/LINES confirme tout le bien que l’on pensait de lui avec son premier album éponyme. Aussi bien influencé par le pire (les chanteuses R’n’B comme Aaliyah, Rihanna ou Beyonce) que le meilleur (Aphex Twin, DMX-Krew…), Michael Lovett transforme en or ses goûts contre-nature. Dés l’inaugural Compass Points, on est sûr de détenir là le dernier petit prodige de l’électro comme l’a été en son temps Jacques Lu Cont. Mélangeant le bon et le mauvais goût à l’instar d’un Scritti Politti sur Cupi & Psyche, NZCA/LINES incorpore au chant R’n’B quelque chose de sérieusement intelligent et cérébral (Les Villes Invisibles d’Italo Calvino (1972) est une source majeure de l’album) sur des rythmes electro-pop sexy et post-apocalyptiques. Compass Points finit de définir The English Riviera comme un des points cardinaux de la pop moderne et Okinawa Channels rappelle qu’Hot Chip était un très bon groupe au début de leur carrière. En parfait dandy synthétique, Michael Lovett, entouré d’Ash Workman (Simian Mobile Disco, Metronomy) et de Charlie Alex March, nous donne la première gifle de l’année 2012.
Aujourd’hui, il est de bon ton de caractériser l’ambiance d’un album ou d’un morceau d’ « ambiance lynchienne ». Si on connaît un tant soit peu la filmographie du cinéaste David Lynch, on s’imagine un peu près ce à quoi peut ressembler une ambiance lynchienne dans un morceau critiqué comme tels. Des ambiances surréalistes, sombres et oniriques. Mais maintenant que le cinéaste américain a sorti son album Crazy Clown Time, on peut facilement reconnaître ce que peuvent être ces ambiances particulières. Mais voilà, dans ambiance lynchienne, il y a le mot « ambiance ». Et la frontière entre l'ambiance dans une musique et la musique d’ambiance est facilement franchissable. Avec Crazy Clown Time, David Lynch franchit la frontière sans s’en apercevoir et tombe dans le panneau de la musique d’ambiance. Celle que l’on écoute sans écouter. Elle rentre par une oreille et ressort aussitôt par l’autre. C’est exactement ce qu' il se passe lorsque les quatorze morceaux passent dans la machine à écouter les disques. Peu de choses arrivent à accrocher l’attention, pas même le featuring de Karen O (Yeah Yeah Yeah’s). Dommage, puisque l’on avait fortement apprécié l’album Dark Night Of The Soul. Mais c’est vrai que pour cet album sa participation s’était résumée à quelques vocalises ((Star eyes et Dark night of the soul) et des illustrations photographiques. Crazy Clown Time se résume à une petite erreur de parcours dans une grande carrière filmographique.
C’est peut-être du à un sens aigu de la procrastination, ou à cause d’une certaine paresse qu’elle n’hésite pas à chanter dans Lazy, que Charlotte Marionneau et son projet Le Volume Courbe diffuse ses ondes musicales avec parcimonie. En effet, nous n’avions plus eu de nouvelles de la vendéenne exilée à Londres depuis I Killed My Best Friend sorti en 2006 après un premier single remarqué. Aujourd’hui, Le Volume Courbe revient aux affaires avec un deuxième single publié sur le label des French Cowboys (autres vendéens) Havalina Records.
En seulement quatre titres (dont deux reprises : I Love The Living You de Roky Erickson et Le Petit Cavalier de Nico), Charlotte Marionneau réussit à se faire pardonner de ses longs moments d’absences en nous envoutant d’entrée avec sa voix toujours aussi fragile et mutine. Theodaurus Rex se compose d’une petite collection de morceaux aux climats étranges et aux émotions intances. Lorsque Charlotte avoue qu’elle est née pour mentir (Born To Lie), c’est avec fébrilité que l’on se laisse croire à ses comptines lo-fi d’un autre genre. Espérons que ces mensonges qui verront conjointement le jour sur la toute nouvelle structure Pickpocket Records créée par Kevin Shields, soient annonciateurs d’un album attendu et non pas une chimère comme le prochain album de My Bloody Valentine.
Secret bien gardé du label Pan European Recording, Judah Warsky s’apprête à sortir début mars Painkillers and Alcohol, son premier album solo. Mais à y regarder de plus près, on se dit que ce visage ne nous est pas inconnu et qu’on l'a déjà vu au sein de Turzi et surtout Chicros. Derrière Judah Warsky se cache le parisien au visage christique et grand collectionneur de vinyls Mathieu Warsky. Projet commencé à cause d’une blessure à un doigt qui l’empêcha de jouer de la guitare, Judah Warsky laisse à qui veut l’entendre deux premiers morceaux clipés aux ambiances Wyatt(ienne) et aux envolées samplées qui promettent de belles heures d'écoutes.
C’est avec un EP à la grâce naturelle que Lidwine et son Lw nous avait laissés sur notre faim en 2010. Après une apparition dans les chœurs des excellents Farewell Poetry, cette digne héritière de Björk, Kate Bush et Joanna Newsom offre a qui veut l’entendre, et comme un avant goût d’un album en préparation, trois relectures de titres aussi divers que What The World Needs Now is Love de Burt Bacharach, Peace and End de King Crimson et The Christmas Song de Nat King Cole. Si vous avez envie de vivre un moment en suspend, téléchargez vite ses morceaux qui vous sont encore offerts à cette adresse pour quelques temps encore.
En à peine une année d’existence, le label Art Is Hard Records, basé dans le sud-ouest de l’Angleterre et mené de front par deux passionnés de labels aussi divers que Factory, Wichita, Anticon et Dischord, a su égrener quelques petits bijoux passés malheureusement inaperçus. Sur ladite structure, les Anglais de The Black Tambourines et leur dernière parution (Chica EP) connaîtront peut-être le même sort. Un sentiment encore plus prononcé lorsque l’on sait qu’un sérieux concurrent comme Black Lips a sorti Arabia Mountain peu de temps auparavant. Proche musicalement des garageux d’Atlanta, et ce n’est pas la couleur patronymique commune qui dira le contraire, The Black Tambourines a réussi à garder le côté lo-fi et cradingue que Black Lips a perdu depuis maintenant deux albums à cause des trop nombreuses mauvaises fréquentations rencontrées ces derniers temps (Mark Ronson…). Alors que les Américains préfèrent parler de flower punk lorsqu’ils décrivent leur musique, les Anglais eux, parlent de Beach Punk. Un style autoproclamé qui décrit assez bien tout l’esprit hédoniste et estival de cette musique jouée par ses habitants de l’English Riviera. S’il fallait rapprocher Chica EP à d’autres albums, on parlerait sans hésiter de Boom deThe Sonics, de The Psychedelic Sounds Of The 13th Floor Elevators de 13th Floor Of Elevator et de Good Bad Not Evil des lèvres noires. C'est-à-dire un garage rock primaire profondément jubilatoire qui n’a rien à envier às es pairs. Surf-Pop is back again.