Une forme d’ennui s’installe lorsque l’on écoute certaines productions musicales actuelles. Il règne aujourd’hui une amère sensation d’entendre à chaque fois la même chose chez des groupes pourtant très différents. Trop d’artistes volent les idées des autres. Une forte impression d’éternel recommencement sisyphien ressurgit sans cesse. Heureusement, certains musiciens comme Jean-Sébastien Nouveau et son projet Les Marquises s’abrogent de tous ces tics pour développer leur propre personnalité.
Avec Lost Lost Lost, Jean-Sébastien Nouveau nous avait fait la surprise de nous perdre sur une terre vierge peuplée de fantômes et remuée par des sons sortis d’une furie volcanique. Avec Pensée Magique, le même sentiment d’abandon est encore perceptible. Mais aujourd’hui le cadre ressemble à l’enfer vert d’une jungle à la densité vertigineuse. Inspiré des travaux de Werner Herzog ou encore de Jean Rouch, Pensée Magique est une forêt sans frontière dans laquelle Jean-Sébastien s’imagine volontiers en aventurier à la recherche de la texture sonore parfaite. Accompagné par d’autres éclaireurs amoureux des chemins de traverses tels que Benoit Burello (Bed), Etienne Jaumet (Zombie Zombie) et Nicolas Laureau (Don Nino, NLF3), le membre d’Immune apparaît comme un ethnologue du climax auditif évoluant sous de Tristes Tropiques. Simple témoin de l’inattendu, on ressort de cet album groggy comme hypnotisé par des atmosphères inhabituelles et des rythmes tribaux. Il ne faut pas croire que Pensée Magique est une croisière qui s’amuse sur le fleuve Amazone. Ici les sons et les cris profondément anxiogènes mettent mal à l’aise. Ils installent une torpeur presque hitchcockienne. Le maître du suspense, c’est bien Jean-Sébastien Nouveau.
On ne sait jamais ce qu’il peut nous arriver. La surprise est toujours au rendez-vous avec Les Marquises. C’est ce qui finalement rend ce projet protéiforme unique donc incomparable aux autres.
Damien