Au contraire de Sharon Jones et ses Dap Kings qui recyclent avec talent mais sans vision, mais exactement comme "Blue Lines" de Massive Attack au début des années 90, le premier effort du collectif londonien Ibibio Sound Machine, regarde en arrière sans pour autant tourner la tête. Un exercice périlleux. Sauf pour Linda Blair dans « L’Exorciste ». Et une comparaison qui pourrait paraître écrasante. Elle ne l’est pas, car les deux entités ne partagent pas les mêmes ingrédients.
Au mélange de soul, de hip hop et de reggae qui faisait le sel de ce premier album du groupe à tête chercheuse de Bristol, Ibibio Sound Machine substitue des filiations encore plus disparates. Disco, gospel, post punk, électro psychédélique et, comme un mantra, l’afro-beat, le funk et la fusion tels que malaxés en Afrique de l’Ouest dans les années 70 et 80. Ce n’est bien évidemment pas un hasard s’ils sont signés sur le label Soundway, spécialisé dans la réédition des perles rares de cette période aventureuse et chatoyante, mais qui laisse de plus en plus d’espace à la nouveauté.
Proche des racines qu’il convoque, Ibibio Sound Machine garde la tête levée vers des cimes encore inexplorées. Non pas que le disque expérimente plus que de raison. L’essentiel de la musique dont il se nourrit reste instinctif, immédiat. Et tous les musiciens sont à l’unisson. La voix d’Eno Williams, chanteuse d’origine nigériane née à Londres, est comme un caillou qui ferait des ronds dans l’eau, elle claque et caresse en même temps. Le génial guitariste d’afro-rock Alfred Bannerman joue mélodique et affûté. Les lignes de basse de Léon Brichard sont serrées comme un pantalon de Mick Jagger. Et le reste de la troupe, ils sont huit au total, cuivres, percussionniste, batteur, tisse un tapis de textures rythmiques et mélodiques absolument imparable.
Au final, on croit deviner, on suppose, on espère, que les dix titres épatants de ce disque virtuose, ne sont que le début d’une longue aventure.
Arnaud